« Je n’ai pas mis longtemps à comprendre que la question « who are you ? » signifie « qui es-tu ? ». J’ai aussi saisi qu’il faut répondre en donnant son nom, précédé d’un cri de douleur (aïe) suivi d’un meuglement (meuh) : I’m. Fébrilement, je répète dans ma tête : « I’m Fatoumata, I’m Fatoumata . » Ce n’est pas très difficile. N’empêche, je suis terrorisée à l’idée de devoir pour la première fois de ma vie parler anglais, et en plus devant tous ces inconnus très savants… et très moqueurs.Mon Dieu, ça va être mon tour ! Morte de peur, je vois la professeur se camper devant ma table en me lançant son effrayant « who are you ? ». J’ouvre la bouche et balbutie d’une voix tremblante :–I’m… Fat… et puis je m’arrête, la gorge serrée, à bout de forces et de salive.–Fat ? répète Mrs Fox avec un grand sourire. Pourtant, tu n’as pas l’air si fat que ça… »
« -Si je te raconte, tu ne voudras plus être mon amie.-Tu penses quoi ? Que je change d’avis sur les gens si facilement ? dis-je en m’énervant.-Non…-Quand j’aime bien quelqu’un, je lui reste fidèle !-Et tu m’aimes bien ?Je ne réponds pas, mes yeux parlent pour moi, et il semble les entendre. Il reprend en murmurant :-Moi aussi…Il me regarde comme s’il me trouvait jolie, et ça me plaît, mais ça me gêne aussi. Alors je secoue mes boucles et lui lance en riant :-Et puis, de toute façon, qu’est-ce que tu as pu faire de si grave ? Tu n’as pas tué quelqu’un, quand même ?Mais il ne rit pas, au contraire. Ses yeux s’emplissent de larmes et sa voix se met à trembler :-Si justement ! Enfin… je crois. »
L’heure c’est l’heure. Et vous n’y êtes pas, mais alors, pas du tout. Dans la classe, tout le monde est déjà au travail ou endormi, le prof en train de pérorer, les contrôles distribués, les consignes expliquées. Vous en êtes malade d’avoir raté ça ! Ces 10, 20, 40, 54 minutes de cours vont terriblement vous manquer. Vous ne vous en consolerez jamais. Dans les couloirs déserts vous courez ventre à terre, couvert de sueur et tout confus, ouvrez à la volée la porte de la salle en sanglotant et balbutiez que, si vous êtes en retard, c’est parce que…
… je n’osais pas entrer. … le vent m’a emporté. … j’aime me faire désirer… Je vous ai manqué ? … il est 8h20, déjà ? C’est fou comme le temps passe… … mon vernis n’était pas sec. … j’étais à la recherche du temps perdu. Et vous savez quoi ? Je ne l’ai toujours pas retrouvé, monsieur Proust. … mon vélo est tombé en panne d’essence. … je suis à des années-lumière du collège. … sur la route j’ai vu un panneau marqué « école, ralentir », alors j’ai obéi. C’est important de respecter le code de la route.
« – Vous savez, si vous voulez chercher quelque chose sur Internet, je veux bien vous aider. C’est facile, on peut trouver des tas de renseignements ou retrouver des tas de gens. – C’est gentil à toi, Sofiane, répond-elle en souriant. Mais je ne cherche plus rien… ni personne. Nous repartons d’un bon pas, la musique l’a revigorée. Je l’entends qui chantonne « Formidable », c’est marrant. Je la ramène jusqu’à chez elle mais je ne rentre pas. À la place, je marche longtemps, jusqu’à ce que la nuit tombe. Parce qu’il y a une voix dans ma tête, qui pleure : « Papa, où t’es ? ».
« J’espérais que le prof d’anglais ne verrait pas le blanc, le vide, le rien, après « My father’s name is… » Mais il a vu. Il m’a jeté un regard interrogateur et j’ai écrit dans la marge au crayon : « personne ». Alors il a complété ma réponse avec son stylo : « Nobody ».C’est joli, « Nobody ». »
« – Allo ? Je m’appelle…
– Tu t’appelles comment ?
– Pas comment ! Je m’appelle, c’est tout.
– Je ne comprends pas.
– Mais si ! Je m’appelle parce que j’ai perdu mon portable.
– Perdu…
– Ou on me l’a volé. Qui es-tu, d’ailleurs ?
– Je suis « on »… »
« -Mais… c’est vrai que tu oublies un peu des trucs. Ce n’est pas grave, à ton âge. -Ah ! c’est comme ça ! Toi aussi tu me traite de débile ? Tu penses que je suis sénile ? Je m’arrête net, horrifiée, et m’écrie : -Mais non, Gramps ! C’est pas vrai ! Je… tu… enfin… Il s’est arrêté, lui aussi, et me regarde en silence. Et soudain, dans ses yeux, je vois toute la rage sauvage refluer, remplacée par quelque chose d’humide et d’une douceur terrible, qui ressemble au désespoir. -De quel côté es-tu, Madeleine ? chuchote-t-il, et ça sonne comme un appel au secours. Je respire un grand coup et je réponds tout doucement : -Du tien. Toujours. »
« Systématiquement, Dany parvient à pousser les profs au bord de la crise de nerfs. Il leur coupe la parole, se lève et se balade, rumine son chewing-gum, discutaille chaque remarque, conteste chaque punition, tripote son portable, pique des stylos, interpelle l’un ou l’autre, chatouille sa voisine, ouvre la fenêtre, fait semblant de sauter, fait semblant de fumer, fait semblant de vomir, demande à sortir, demande à rentrer, rit comme une hyène sans s’arrêter, et fait des commentaires peu flatteurs sur la vertu de la mère ou la pureté de la race de ses camarades. »
« Mais il est entré dans le square, et moi, je n’ai pas le droit ! Il s’est assis sur un banc, m’a cherchée, a regardé le ciel couvert, pensant y lire une explication à ma disparition. Mais je suis là, Tom, derrière les grilles. Comme d’habitude, je ne peux pas entrer. Nulle part où je voudrais je ne peux entrer. Regarde, regarde-moi ! Est-ce que tu me vois, en noir et blanc ? »
« Et Mirabelle réalise brusquement que Moche est beau ! Mais alors… si Moche n’est plus moche, peut-être que Miralaide peut un jour espérer devenir Mirabelle.
Mais comment faire ? S’affamer ? Se teindre en blonde ? Marcher à l’aveuglette ? Porter un dentier ? Se peindre le visage ? Se faire raboter le nez ? Non, ça ne marcherait pas. Et puis ce serait comme un mensonge. Mirabelle ne serait plus Mirabelle. Ce qu’elle veut, c’est être elle, et aimer être elle. »
« Et Mirabelle réalise brusquement que Moche est beau ! Mais alors… si Moche n’est plus moche, peut-être que Miralaide peut un jour espérer devenir Mirabelle.
Mais comment faire ? S’affamer ? Se teindre en blonde ? Marcher à l’aveuglette ? Porter un dentier ? Se peindre le visage ? Se faire raboter le nez ? Non, ça ne marcherait pas. Et puis ce serait comme un mensonge. Mirabelle ne serait plus Mirabelle. Ce qu’elle veut, c’est être elle, et aimer être elle. »
« – Allo ? Je m’appelle…
– Tu t’appelles comment ?
– Pas comment ! Je m’appelle, c’est tout.
– Je ne comprends pas.
– Mais si ! Je m’appelle parce que j’ai perdu mon portable.
– Perdu…
– Ou on me l’a volé. Qui es-tu, d’ailleurs ?
– Je suis « on »… »
Message : Je demande s’il y a quelqu’un parce que souvent il n’y a personne. En fait, il n’y a jamais personne. Mais là, il y a eu quelqu’un. Macha. Toi. Qui es-tu ?Sacha. »
« Viola travaillait son violon pendant des heures. Les exercices et les morceaux que monsieur Setin lui donnait, et puis aussi les airs qui lui venaient tout seuls, de plus en plus souvent, de plus en plus jolis. Vers sept heures sa mère tambourinait à sa porte, parce que les devoirs n’étaient pas faits, et le dîner pas prêt, « et par pitié arrête ce bruit, ça me rend folle ! ». Alors Viola soupirait, reposait tendrement son violon dans son étui de velours, puis elle bâclait ses devoirs et picorait son dîner. Mais quand elle se couchait, elle se sentait bien, elle se sentait belle et riche et grande. Elle rêvait de notes, qui lui faisaient comme une traîne. La nuit elle jouait encore, et le monde entier l’écoutait. »