« – Allo ? Je m’appelle…
– Tu t’appelles comment ?
– Pas comment ! Je m’appelle, c’est tout.
– Je ne comprends pas.
– Mais si ! Je m’appelle parce que j’ai perdu mon portable.
– Perdu…
– Ou on me l’a volé. Qui es-tu, d’ailleurs ?
– Je suis « on »… »
Chloé réussira-t-elle à récupérer son portable, trouvé par Salomon dans le métro ? Voici leurs conversations téléphoniques ainsi que celles de leur famille et amis, qui tous se mêlent de cette histoire et de leur relation naissante.
« Viola travaillait son violon pendant des heures. Les exercices et les morceaux que monsieur Setin lui donnait, et puis aussi les airs qui lui venaient tout seuls, de plus en plus souvent, de plus en plus jolis. Vers sept heures sa mère tambourinait à sa porte, parce que les devoirs n’étaient pas faits, et le dîner pas prêt, « et par pitié arrête ce bruit, ça me rend folle ! ». Alors Viola soupirait, reposait tendrement son violon dans son étui de velours, puis elle bâclait ses devoirs et picorait son dîner. Mais quand elle se couchait, elle se sentait bien, elle se sentait belle et riche et grande. Elle rêvait de notes, qui lui faisaient comme une traîne. La nuit elle jouait encore, et le monde entier l’écoutait. »
« Systématiquement, Dany parvient à pousser les profs au bord de la crise de nerfs. Il leur coupe la parole, se lève et se balade, rumine son chewing-gum, discutaille chaque remarque, conteste chaque punition, tripote son portable, pique des stylos, interpelle l’un ou l’autre, chatouille sa voisine, ouvre la fenêtre, fait semblant de sauter, fait semblant de fumer, fait semblant de vomir, demande à sortir, demande à rentrer, rit comme une hyène sans s’arrêter, et fait des commentaires peu flatteurs sur la vertu de la mère ou la pureté de la race de ses camarades. »
L’heure c’est l’heure. Et vous n’y êtes pas, mais alors, pas du tout. Dans la classe, tout le monde est déjà au travail ou endormi, le prof en train de pérorer, les contrôles distribués, les consignes expliquées. Vous en êtes malade d’avoir raté ça ! Ces 10, 20, 40, 54 minutes de cours vont terriblement vous manquer. Vous ne vous en consolerez jamais. Dans les couloirs déserts vous courez ventre à terre, couvert de sueur et tout confus, ouvrez à la volée la porte de la salle en sanglotant et balbutiez que, si vous êtes en retard, c’est parce que…
… je n’osais pas entrer. … le vent m’a emporté. … j’aime me faire désirer… Je vous ai manqué ? … il est 8h20, déjà ? C’est fou comme le temps passe… … mon vernis n’était pas sec. … j’étais à la recherche du temps perdu. Et vous savez quoi ? Je ne l’ai toujours pas retrouvé, monsieur Proust. … mon vélo est tombé en panne d’essence. … je suis à des années-lumière du collège. … sur la route j’ai vu un panneau marqué « école, ralentir », alors j’ai obéi. C’est important de respecter le code de la route.
« J’espérais que le prof d’anglais ne verrait pas le blanc, le vide, le rien, après « My father’s name is… » Mais il a vu. Il m’a jeté un regard interrogateur et j’ai écrit dans la marge au crayon : « personne ». Alors il a complété ma réponse avec son stylo : « Nobody ».C’est joli, « Nobody ». »