« – Allo ? Je m’appelle…
– Tu t’appelles comment ?
– Pas comment ! Je m’appelle, c’est tout.
– Je ne comprends pas.
– Mais si ! Je m’appelle parce que j’ai perdu mon portable.
– Perdu…
– Ou on me l’a volé. Qui es-tu, d’ailleurs ?
– Je suis « on »… »
Chloé réussira-t-elle à récupérer son portable, trouvé par Salomon dans le métro ? Voici leurs conversations téléphoniques ainsi que celles de leur famille et amis, qui tous se mêlent de cette histoire et de leur relation naissante.
« Systématiquement, Dany parvient à pousser les profs au bord de la crise de nerfs. Il leur coupe la parole, se lève et se balade, rumine son chewing-gum, discutaille chaque remarque, conteste chaque punition, tripote son portable, pique des stylos, interpelle l’un ou l’autre, chatouille sa voisine, ouvre la fenêtre, fait semblant de sauter, fait semblant de fumer, fait semblant de vomir, demande à sortir, demande à rentrer, rit comme une hyène sans s’arrêter, et fait des commentaires peu flatteurs sur la vertu de la mère ou la pureté de la race de ses camarades. »
« -Si je te raconte, tu ne voudras plus être mon amie.-Tu penses quoi ? Que je change d’avis sur les gens si facilement ? dis-je en m’énervant.-Non…-Quand j’aime bien quelqu’un, je lui reste fidèle !-Et tu m’aimes bien ?Je ne réponds pas, mes yeux parlent pour moi, et il semble les entendre. Il reprend en murmurant :-Moi aussi…Il me regarde comme s’il me trouvait jolie, et ça me plaît, mais ça me gêne aussi. Alors je secoue mes boucles et lui lance en riant :-Et puis, de toute façon, qu’est-ce que tu as pu faire de si grave ? Tu n’as pas tué quelqu’un, quand même ?Mais il ne rit pas, au contraire. Ses yeux s’emplissent de larmes et sa voix se met à trembler :-Si justement ! Enfin… je crois. »
« Mais il est entré dans le square, et moi, je n’ai pas le droit ! Il s’est assis sur un banc, m’a cherchée, a regardé le ciel couvert, pensant y lire une explication à ma disparition. Mais je suis là, Tom, derrière les grilles. Comme d’habitude, je ne peux pas entrer. Nulle part où je voudrais je ne peux entrer. Regarde, regarde-moi ! Est-ce que tu me vois, en noir et blanc ? »
« Viola travaillait son violon pendant des heures. Les exercices et les morceaux que monsieur Setin lui donnait, et puis aussi les airs qui lui venaient tout seuls, de plus en plus souvent, de plus en plus jolis. Vers sept heures sa mère tambourinait à sa porte, parce que les devoirs n’étaient pas faits, et le dîner pas prêt, « et par pitié arrête ce bruit, ça me rend folle ! ». Alors Viola soupirait, reposait tendrement son violon dans son étui de velours, puis elle bâclait ses devoirs et picorait son dîner. Mais quand elle se couchait, elle se sentait bien, elle se sentait belle et riche et grande. Elle rêvait de notes, qui lui faisaient comme une traîne. La nuit elle jouait encore, et le monde entier l’écoutait. »