« Quand le vent me souffle dans les cheveux, je voudrais bien le suivre, le laisser m’emporter. Tout le temps je veux le vent. Mais je n’ai pas le droit de voler. »
La vie, c’est bien rangé. À la maison, l’école, tout est organisé. C’est simple, c’est rassurant… mais c’est tout enfermé ! Un petit récit plein de souffle à la poursuite de la liberté.
– Pour faire partie de mon club, explique-t-il le lendemain à Robin, il faut se calmer. – Mais pourquoi ? On est super calmes, nous, s’écrie Robin en se tortillant. – Pas assez… Pour commencer, il faut apprendre à parler doucement, sans crier. – Jamais ? – Non, jamais. – Même quand on nous embête ? – Même. Et puis il faut parler len-te-ment. – Maispourquoi ? Onperddutempsonpeutpasdiretoutcequonveutdire… – Arrête ! Recommence, en articulant s’il te plaît, le gronde Max sévèrement. – Pas la peine, bougonne Robin. – En enfin, interdiction de dire des gros mots. – Aucun ? – Non ! – Même pas m…. ? – Même pas. – Et c.. ? Et p….. ? Et b….. ? Et n…. ? – Stop ! Plus un seul. On a juste le droit d’utiliser des mots comme « zut », « mince », flûte » ou à la rigueur « diantre ». – Mais c’est nul ! – Nul aussi, si tu veux…
« Ajouter le sucre… mélanger la farine… couper le chocolat… voilà enfin des mots qui sentent bon, des mots qui ont un sens : du bon sens ! Jacquot suit les lignes avec son doigt et arrive vite au bout de la recette. Il relève les yeux et réalise, ébloui, que pour la première fois de sa vie il a lu un texte en entier, sans douleur, sans ennui, et en comprenant presque tout. « C’est parce que c’est intéressant », se dit-il. Et utile aussi : car il compte bien les faire, ces cookies, il compte bien les manger ! »
D’abord, il a fallu changer mon nom de famille : « Jacques, ça va, mais Reichman, ça fait trop… euh… pas assez… Enfin, tu me comprends, a dit Georgette. Tu as une idée ? – Ben oui, c’est facile. Puisque Reichman, ça veut dire « riche », je n’ai qu’à m’appeler… Richard ! » Elle a éclaté de rire : « Parfait. Si on te pose des questions, tu diras que tu t’appelles Jacques Richard et que tu es mon neveu. – Pourquoi pas ton fils ? – Parce que je ne suis pas mariée, que je ne porte pas d’alliance et que je ne m’appelle pas Richard ! Tu seras le fils de ma sœur… – Tu as une sœur ? – Non, mais c’est pas grave ! Tu seras le fils de ma sœur… Jeannette. Son mari, M. Richard, est prisonnier et elle m’a demandé de t’amener chez ta grand-mère en Normandie. – Mais ma grand-mère est en Roumanie, pas en Normandie ! – Elle est devenue normande », a décrété Georgette d’un ton péremptoire. (…) Nous avons continué à m’inventer une vie en nous amusant beaucoup. Mais en vrai, c’était triste de ne plus avoir le droit à mon nom, à mes parents, à ma grand-mère que je n’avais jamais vue, plus droit à ma vie, plus droit d’être moi.
« – Tu ne m’as toujours pas dit si c’était interdit d’en parler. – Oui mais… non. – Non ? – Non mais… si. – Décide-toi ! – On peut en parler, mais pas l’afficher. – Donc on la cache ? – Non, mais on ne la montre pas trop et on n’en parle pas trop non plus. – Comment on sait si c’est trop ? demande l’arbre. Philou réfléchit un instant puis dit : – Peut-être que c’est quand on ne voit plus que ça. Au lieu de voir un copain, on voit sa religion. Au lieu de savoir qui il est, on sait en quoi il croit. Mais ce n’est pas ça, connaître quelqu’un ! »