« Et maintenant c’est le tour d’Hannah. Au-dessous d’elle, la nuit est noire et elle distingue à peine les feux de reconnaissance des partisans et les arbres enneigés. Mon Dieu ! Comme ça fait peur de sauter dans le noir, le froid ! Comme ça fait peur, la guerre en bas ! Mais c’est son choix, c’est ce qu’elle voulait, et elle va le faire. Parce que pas loin, il y a la frontière, la Hongrie, sa mère, et tous les Juifs qui l’attendent pour qu’elle vienne les sauver. Alors, elle respire un grand coup et lève la tête vers le ciel pour une prière. Est-ce qu’il la voit, son père ? Est-ce qu’il est fier ? Et puis elle saute. »
Biographie romancée de Hannah Senesh, jeune juive hongroise et résistante. Tour à tour pionnière, poète et parachutiste, elle sera fusillée en 1944 à l’âge de 23 ans, après une vie ardente et passionnée.
« J’ai peur de la guerre en moi qui, c’est sûr, va massacrer mon pauvre petit bébé pas né. Il fait jour dehors, par la petite fenêtre je vois le ciel bleu et je pleure d’être sûrement déjà toute morte, le ventre d’en bas est tout piétiné, et le médecin blond qui m’appuie dessus est sûrement l’Allemand de ma fin, son faux sourire, son faux français, au secours, Zeïdé ! »
« Il parle, Mordechaï Anielewicz. Mordechaï l’ange.
Il parle, et calmement il déclare la guerre. On est le 18 avril 1943 et c’est le soir déjà, le dernier peut-être. Dehors il fait si sombre… Mais en nous une lumière, un petit feu ardent, allumé par lui, notre doux commandant. »
« Tant qu’il était avec moi, j’avais une lumière qui me chauffait les doigts, j’avais un peu de cœur qui se battait en moi. Maintenant c’est le grand froid, et il n’y a plus que moi pour moi. Parce que j’ai plus de papa. »
…
« – Comment tu t’appelles ? me demande-t-elle doucement dans son yiddish hésitant. Je ne lui réponds pas, je lui montre juste mon bras. Mon numéro, c’est moi. Alors elle tend la main et me touche la peau. Ça brûle ! Je me lève brusquement et me sauve en courant, regrimpe l’escalier et me jette dans mon lit. Mon cœur est tout battant et j’ai envie de pleurer. Je veux pas ses caresses ! Car la tendresse, ça ment. Ça fait croire aux mamans… »
« Alors c’est décidé. Je cesse d’essayer. À partir de maintenant, je serai divorcé. Je me sépare d’eux séparés. J’arrête la vie commune, morte de solitude. Je quitte les quitteurs et me confie à moi-même, puisqu’ils ne sont pas dignes de confiance. Ce soir, je divorce de leur divorce. »