« Et maintenant c’est le tour d’Hannah. Au-dessous d’elle, la nuit est noire et elle distingue à peine les feux de reconnaissance des partisans et les arbres enneigés. Mon Dieu ! Comme ça fait peur de sauter dans le noir, le froid ! Comme ça fait peur, la guerre en bas ! Mais c’est son choix, c’est ce qu’elle voulait, et elle va le faire. Parce que pas loin, il y a la frontière, la Hongrie, sa mère, et tous les Juifs qui l’attendent pour qu’elle vienne les sauver. Alors, elle respire un grand coup et lève la tête vers le ciel pour une prière. Est-ce qu’il la voit, son père ? Est-ce qu’il est fier ? Et puis elle saute. »
Biographie romancée de Hannah Senesh, jeune juive hongroise et résistante. Tour à tour pionnière, poète et parachutiste, elle sera fusillée en 1944 à l’âge de 23 ans, après une vie ardente et passionnée.
« J’ai ouvert la fenêtre et bien sûr Wladek était là à m’attendre, sûr de lui, sûr de moi. Si imprudent, si impudent, si beau. Jamais je ne l’avais vu dans la nuit noire. Comme il brillait. (…) Il n’avait pas le droit d’être là, il avait l’air si étranger dans ma rue, devant ma maison. (…) Nous sommes allés dans notre lit des champs, et nous l’avons refait, la danse interdite, la jolie guerre, le fol amour. »…« Mes peurs du ghetto reviennent me tourmenter, quand j’imaginais Adam souffrant, le redoutait mourant. Autour de moi je voyais les petits partir les uns après les autres, et je me disais qu’un jour, quelque part, ça serait son tour. Je la vois encore l’ombre de mon garçon, nuit après nuit je la vois dans les flammes qui meurt, dans la fumée qui pleure, dans la mort qui a peur. (…) Comme moi il aurait pu, il aurait dû… Avons-nous été, un peu ? »
« Elle n’a pas de projets, juste des rêves, qui tous parlent de voyages et de liberté. Quand ses professeurs lui demandent ce qu’elle veut faire plus tard, elle répond qu’elle veut être, plutôt. Bientôt. Mais quoi ? Elle ne sait pas, elle sait seulement qu’elle veut partir. Qu’elle va partir. Car la vraie vie l’attend, là-bas. »
« Il y avait plusieurs berceaux et plusieurs bébés. Ils avaient tous un nom écrit sur le bracelet à leur poignet, ils avaient tous une maman. Sauf le mien. Mais où était-il ? Et puis, au moment où l’infirmière présente dans la salle s’approchait de moi, je l’ai trouvé, le seul bébé tout seul, le seul dont le bracelet soit vierge. Un bracelet bleu parce que c’était mon garçon, bleu comme ses yeux qu’il a ouverts soudain pour me regarder au fond, et qui étaient si semblables à ceux de sa non-mère que j’ai éclaté en gros sanglots déchirants. »
« «Personne n’a des cheveux comme ça », s’étonnent-ils. «Alors, je suis personne ? » s’interroge Mira. « On dirait la fourrue d’un chat », ajoutent-ils parfois. « Alors je suis un chat », conclut-elle, secrètement flattée.
C’est pour cela qu’elle marche la tête très haute, à longues enjambées souples, hautaine et lointaine, arrogante malgré tous ses doutes, malgré son peu d’années. C’est pour ça, qu’elle griffe : car elle est un chat sans velours aux pattes. Un chat écorché, un chat échaudé, qui miaule sans arrêt et ne ronronne que seul, tellement seul ».
…
« Un jour, un jour bientôt, ses mains viendront, son corps l’enserrera, et quand il voudra entrer, elle l’accueillera. Mais pour l’instant c’est trop tôt, ils n’en sont qu’à la peau, aux frôlements de doigts, aux baisers délicats, aux genoux rapprochés, aux corps devinés. Pas encore prêts pour le violent, le nu et le dedans, trop tôt encore pour l’embrasement du sang. »