« Quand le vent me souffle dans les cheveux, je voudrais bien le suivre, le laisser m’emporter. Tout le temps je veux le vent. Mais je n’ai pas le droit de voler. »
La vie, c’est bien rangé. À la maison, l’école, tout est organisé. C’est simple, c’est rassurant… mais c’est tout enfermé ! Un petit récit plein de souffle à la poursuite de la liberté.
« Le premier jour du CP, en faisant l’appel, la maîtresse a eu les yeux qui lui sortaient de la tête. Elle a respiré un grand coup, a pris son élan et s’est appliquée à prononcer chaque lettre en articulant exagérément : « Ve-lo-de-ji-mi-ere-ts ». Ça faisait débile, et en plus, c’est même pas comme ça qu’on dit ! Puis elle a relevé la tête avec un sourire dégoulinant de fausse gentillesse et m’a sussuré d’un ton mielleux :
-Quel prénom, euh… original. C’est de quelle origine ?
J’ai rougi et chuchoté :
-Polonais.
Nemo s’est retourné et j’ai pensé : « Oh non ! À tous les coups, il va me traiter de « poney » et se mettre à hennir ! »
Extrait : « – Et si on formait une amicale ?
– C’est quoi, une akimale ? demande Alan.
– Une A-MI-CA-LE, je répète patiemment. C’est comme un club, un groupe d’amis qui se retrouvent.
– Mais… s’écrient-ils tous en choeur en me regardant, stupéfaits.
– Mais quoi ?
– Nous, on n’a pas d’amis !!!
– Pas grave, je réponds. On sera une amicale de… de… sans-amis ! »
D’abord, il a fallu changer mon nom de famille : « Jacques, ça va, mais Reichman, ça fait trop… euh… pas assez… Enfin, tu me comprends, a dit Georgette. Tu as une idée ? – Ben oui, c’est facile. Puisque Reichman, ça veut dire « riche », je n’ai qu’à m’appeler… Richard ! » Elle a éclaté de rire : « Parfait. Si on te pose des questions, tu diras que tu t’appelles Jacques Richard et que tu es mon neveu. – Pourquoi pas ton fils ? – Parce que je ne suis pas mariée, que je ne porte pas d’alliance et que je ne m’appelle pas Richard ! Tu seras le fils de ma sœur… – Tu as une sœur ? – Non, mais c’est pas grave ! Tu seras le fils de ma sœur… Jeannette. Son mari, M. Richard, est prisonnier et elle m’a demandé de t’amener chez ta grand-mère en Normandie. – Mais ma grand-mère est en Roumanie, pas en Normandie ! – Elle est devenue normande », a décrété Georgette d’un ton péremptoire. (…) Nous avons continué à m’inventer une vie en nous amusant beaucoup. Mais en vrai, c’était triste de ne plus avoir le droit à mon nom, à mes parents, à ma grand-mère que je n’avais jamais vue, plus droit à ma vie, plus droit d’être moi.
« Le matin, en entrant en classe, j’agite mes cheveux dans tous les sens en lançant : « Bonjour mes nattes… euh pardon, mes tresses ! » à madame Meunier. (…) À la cantine, je vomis en faux, je bave en vrai, je fume ma fourchette, je broute ma salade, je fais des bulles dans mon verre.
(…) Avec moi, personne ne pleure (à part de rire, personne ne meurt (à part de rire), et il n’y a que les rires que jerends fous. (…)
(…) Moi, mon chagrin, je lui mets un nez rouge et je le bombarde de tartes à la crème ! »